L’art de la véritable écoute, compétence-clé du fin négociateur, est rarement enseigné. C’est bien dommage, car le type de jeu engagé avec les Autres en dépend. Sans une écoute fine et profonde, assertivité, habileté et confiance en soi restent impuissantes à permettre le déploiement de l’intelligence collective.

Tout « manager », aujourd’hui, est avant tout un négociateur. Que cela lui plaise ou non, chacun se trouve impliqué dans un réseau complexe de négociations, avec ses supérieurs hiérarchiques, ses collègues, ses collaborateurs, mais aussi avec ses clients, ses fournisseurs, ses partenaires institutionnels.

Qu’il œuvre à la mise en place d’un projet, ou d’une réforme au sein de son organisation, ou d’un partenariat avec un client, le « manager » (au sens de personne investie d’un pouvoir) doit mobiliser des compétences relationnelles de concert avec ses compétences juridiques et techniques. Au quotidien, il doit créer de la valeur commune mais aussi s’approprier la partie adéquate de cette valeur, et donc contractualiser habilement et solidement avec ses différents interlocuteurs. Il intervient nécessairement également dans la résolution de conflits. Ce sont alors les mêmes outils, qui reposent sur une bonne connaissance et une bonne maîtrise de lui-même, qu’il mobilise comme négociateur direct ou comme médiateur.

Une question cruciale se pose alors à lui : à quel type de jeu vais-je jouer avec mes interlocuteurs ?

Jouer des jeux de partenaires et non d’adversaires

Si l’objectif est d’ouvrir avec l’Autre le champ des possibles sans s’enfermer dans des rapports de forces usants ou dans la recherche appauvrissante du plus petit dénominateur commun, évitant tout conflit, alors cela suppose de miser sur une relation de partenaires avec l’Autre, de personne à personne. Cet objectif procède d’une vision des relations humaines comme création et invention perpétuelle, enrichie par la diversité des points de vue, des idées et des besoins. Autrement dit, de la conviction que l’intelligence collective est non seulement possible, mais aussi souhaitable et supérieure à celle de l’individu. Le recours à la lutte avec l’Autre est la dernière des solutions, qui n’est valable qu’en cas d’échec de toute tentative de conciliation pacifique.

Pour pouvoir jouer ce type de jeu, il sera nécessaire de déployer une compétence-clé, fort peu transmise et enseignée malheureusement : une véritable écoute. Celle qui va permettre à l’Autre de se sentir accueilli, respecté, entendu. Celle qui va le pousser à écouter à son tour et rechercher avec moi une solution créative, nouvelle, inédite, qui nous convienne à tous les deux.

Une compérence rarement enseignée

Nous apprenons de manière approfondie et continue, dans notre système éducatif occidental, à nous exprimer (à l’oral, à l’écrit, en développant notre vocabulaire, en apprenant d’autres langages…). En revanche il est relativement rare d’apprendre à écouter vraiment.

L’écoute véritable est une acquisition qui suppose une grande maturité, puisqu’il va s’agir de s’ouvrir au monde de l’Autre… donc nécessairement de se décentrer du sien (voir notre article sur La loi de la Perception-Projection). Or, bien souvent, par commodité, les  « outils » transmis dans les formations qui visent à favoriser l’expression de l’Autre (surtout en management) passent à côté de la complexité du sujet.

Qu’il s’agisse de la pratique de l’interview ou de la négociation, les deux principaux sont le questionnement et la reformulation. Or, l’un comme l’autre restent – de fait – centrés sur le monde de l’interviewer. Il suffit pour s’en convaincre de regarder attentivement une interview menée par un journaliste : le résultat en dit souvent bien plus long sur les représentations et les buts du journaliste que sur celui de l’interviewé.

Une approche de l’écoute centrée sur la personne

C’est une toute autre approche qui est proposée dans le deuxième niveau de notre cycle « Connaissance et conduite des Hommes ». Willy Chamming’s s’était inspiré, pour la formuler, des travaux de Carl Rogers, en allant plus loin que la plupart des formations « classiques » à l’écoute active. Nous avons exploré, au premier niveau, la relation avec soi, dans ses aspects consicents et inconscients, en vue d’une action plus ajustée aux réalités extérieures. Il sera question, dans le deuxième niveau, d’explorer les phénomènes de la relation avec l’Autre en tant que système, ce qui suppose d’abandonner, simultanément, un type de pensée trop simplifiant et des réflexes conditionnés de longue date, afin de pouvoir appréhender les effets en boucles d’une posture ajustée.

Très pratique, basé sur l’expérimentation de différents types d’entretiens avec l’appui de la vidéo, ce stage vise à développer profondément la centration sur l’Autre, le sens de l’accueil et de l’écoute, sans perdre de vue ses propres besoins, limites et objectifs. Il s’agira pour les participants de découvrir les effets bénéfiques d’une véritable disponibilité à l’Autre, en utilisant l’ensemble de ses « capteurs » : autrement dit développer une ouïe fine, délicate, capable d’entendre au delà de ce qui est dit.

C’est cette ouïe fine, orientée réellement vers l’Autre, pour non seulement l’écouter mais le comprendre profondément, qui est à la source d’une relation respectueuse de chacun, et donc créative, innovante, ouverte sur de nouveaux possibles.