Un changement de paradigme

La Méthode Chamming’s nous propose de renverser la perspective habituelle pour traiter des questions de relations, de communication, de management, de négociation et de pouvoir, en commençant par s’intéresser à la première personne avec laquelle nous avons à négocier, sur laquelle nous avons un pouvoir à exercer : nous-mêmes.

« Se connaître pour savoir être » : c’est ainsi que s’intitule le premier stage du parcours de formation proposé par l’Ecole Chamming’s. Titre étrange quand on y réfléchit, intéressant en philosophie ou dans le cadre d’une psychothérapie, mais qu’est-ce que cela peut vouloir dire concrètement ? Et en quoi cela peut-t-il nous aider dans les relations professionnelles que nous tissons – ou celles que nous subissons – au quotidien ? Les problèmes que nous recontrons, en général, ne semblent pas venir de nous, mais des Autres, passés, présents et futurs. Ce qui est difficile dans les organisations humaines, au bureau, à l’école, à l’hôpital, dans la copropriété et j’en passe, ce sont les relations avec les Autres… moi, ça va, je me connais, j’en sais suffisamment, je sais qui je suis, ça n’est pas ce qui m’intéresse, j’ai fait le tour de la question…

Pourquoi donc commencer par là ?

Le paradoxe du Centre du monde

Il ne s’agit pas là d’un complaisant nombrilisme, mais de prendre acte d’un premier paradoxe avec lequel il est parfois bien difficile d’être en paix : nous sommes absolument et inévitablement le centre de notre propre monde, et aucunement le centre du Monde (et nous avons du mal à nous y faire…). Autrement dit, nous ne pouvons percevoir, appréhender notre environnement, notre milieu, qu’à partir de nous-mêmes, de notre monde intérieur. Nous semblons donc être le centre du Monde. Ceci n’est qu’une illusion d’optique, pourrait-on dire, ce que nous signalent en permanence les résistances et les déconvenues que nous oppose le Monde, à commencer par les Autres.

« Il est simplement banal, et même assujettissant, pour un observateur, de transporter avec soi, où qu’il aille, le centre du paysage qu’il traverse. » 

Pierre Teilhard de Chardin

Nous ne pouvons rien observer qui ne nécessite notre participation : notre connaissance des choses naît de la rencontre de notre subjectivité et du Monde objectif.

C’est ce phénomène que pointe la loi dite de perception/projection, explorée et expérimentée dès le premier jour du cycle Chamming’s. Nous ne sommes pas des machines, et nos perceptions vont se teinter des « couleurs » de notre monde intérieur, de notre propre météo interne… plus ou moins à notre insu.

La Loi de la Perception-Projection nous donne des repères et élargit notre perspective. Elle est un outil précieux pour développer simultanément notre esprit critique et notre faculté d’accueil des idées nouvelles, contradictoires, autrement dit nos qualités d’écoute et d’observation.

JE suis le centre de mon monde à chaque instant. J’y pense, et puis j’oublie…

La Loi de la Perception/Projection est un instrument de clarification et d’apaisement. De clarification, car elle va nous permettre de lutter contre nos défauts de raisonnement, et notamment ce que les sociologues appellent les « biais cognitifs ». D’apaisement, car en distinguant mieux ce qui m’appartient (mon monde intérieur) de ce qui appartient à l’Autre (le monde extérieur, tel qu’il est), je deviens plus tolérant, plus précis et plus habile dans mes actions. En un mot, plus assertif, c’est-à-dire conscient et aligné dans ma propre puissance.

La manifestation de notre part d’Ombre

Nous avons en effet une fâcheuse tendance à rejeter vers l’extérieur ce qui, en nous, nous déplait ou nous effraie. C’est ce que Jung appelle notre Ombre (voir l’interview de Lily JATTIOT ici). Nous projetons à l’extérieur tout ce qui vient contrarier l’image que nous nous faisons de nous-mêmes, nous réservant personnellement (sans en avoir une conscience claire) tout ce qui nous paraît bon, beau, fort et juste. Nul n’a envie de se voir lui-même dans ses aspects stupides, égoïstes, faibles, incompétents, orgueilleux. Plus généralement, notre vulnérabilité – où tout ce qui y ressemble – nous fait peur.

Et c’est ainsi que, en vertu de la Loi de la perception/projection, nous pouvons avoir le sentiment d’être plongés dans un monde devenu fou, engagés dans les communautés malades, dans les relations douloureuses avec ces fameux Autres si difficiles à comprendre… En fait nous rejetons sur le Monde objectif – et donc sur les Autres – la responsabilité de tous les excès, toutes les erreurs, tous les dysfonctionnements, toutes les folies. Ce faisant, paradoxalement, nous rejetons aussi les forces, les qualités qui sont les nôtres, et les responsabilités qui vont avec : quoi de plus commode que de se voir soi-même en victime pour ne pas avoir à user de notre propre puissance, qui nous fait peur, bien plus encore que nos faiblesses ?

La Loi de la perception-projection, en éclairant ces phénomènes, va nous permettre de trouver un sens nouveau à ce qui nous trouble, de prendre de la hauteur et de nous reconnecter à l’incroyabe créativité du monde.

Transformer la difficulté en ressource

La mise en pratique de la Loi de la perception-projection est un fabuleux outil à utiliser au quotidien pour faire de nos perceptions – quelles qu’elles soient – un puissant instrument de connaissance de soi, et donc de relativisation de notre point de vue sur les choses et sur les autres. Dès lors que je perçois quelque chose (en positif ou en négatif), je peux être certain que cela correspond à une part de moi-même, qu’il existe une correspondance, car sinon comment pourrais-je le percevoir ? Avec quel instrument ?

Si ce que je perçois me touche, me déroute, m’effraie, je peux être certain que l’Ombre en moi est à l’oeuvre. Elle veut me montrer quelque chose. Je peux alors me poser la question : en quoi cela me concerne-t-il personnellement ?

Bonne nouvelle : à partir de ce point, toute relation difficile, toute épreuve que je vais rencontrer va devenir le point d’appui d’une connaissance plus intime de moi-même, ouvrant ainsi sur une perception plus profonde, plus large, plus nuancée des choses. Si un sentiment désagréable de colère, de rejet, de dégoût, ou encore d’envie m’envahit, quelle est la part de moi-même qui est touchée ? Que vois-je en l’Autre que je ne peux supporter de voir en moi-même ?

C’est le début d’un extraordinaire voyage, qui nous emmène bien plus loin que tout ce que nous sommes, au départ, en capacité d’imaginer. C’est la promesse du cycle Chamming’s.