Comme nous serions tranquilles sans les Autres ! Et comme nous serions seuls aussi, pleins d’ennui, fragiles, à la merci de la nature dont les forces immenses dépassent si largement notre petite personne. L’Autre nous met à l’épreuve tout autant qu’il nous attire, nous fatigue tout autant qu’il nous énergise… Le rencontrer, c’est se rencontrer, soi.
Les êtres humains sont des êtres grégaires, sociaux, faits pour se rencontrer et vivre ensemble. Ils sont aussi capables d’opposition, de rivalité, d’agressivité, de violence à l’égard les uns des autres. La rencontre avec l’Autre fonde à la fois nos plus grandes craintes et nos plus grands espoirs… Douloureuse, passionnante, jamais définitivement fermée même pour le plus misanthrope d’entre nous, la question de la rencontre avec l’Autre va nous accompagner tout au long de notre existence. Que se passe-t-il au coeur de ce phénomène tant recherché, tant fui, parfois si étonnant, parfois si décevant ?
Bien souvent, pour tenter d’éviter cette question délicate et implicante, qui nous renvoie immanquablement à nos propres imperfections, désirs et craintes, nous allons chercher à l’éluder : nous allons estimer en toute bonne foi, tout simplement, que l’autre est comme nous.
Un alter ego… mais aussi un ego alter
Ce qui n’est pas faux, mais partiel : l’autre est un alter-ego (un « autre moi-même »). Certes : il a bien, tout comme moi, un nez au milieu de la figure, deux yeux, une bouche, deux bras, deux jambes, un cerveau, un coeur. Il est fabriqué de la même argile que moi, avec la même structure… et c’est là que les choses se gâtent : tout comme je suis le centre de mon monde, il est le centre du sien ! Il est donc aussi un « ego-alter », un « autre ego ». Comme nous l’avons vu dans notre article sur la loi de la Perception-Projection, l’Autre, tout comme moi, voit les choses depuis le centre de son monde. Son point de vue est – radicalement et à jamais – différent du mien, et donc inaccessible.
Le monde de l’Autre est vraiment, complètement, un autre monde, comme le serait celui d’un extra-terrestre… La véritable prise de conscience de cet abîme entre l’Autre et moi est tout simplement vertigineuse. L’illusion, simpliste et rassurante, selon laquelle « l’autre est comme moi » et c’est tout, est pourtant largement répandue et nous nous y accrochons pendant longtemps. Elle est la source de très nombreux malentendus et confusions, qui vont – tant que l’on n’y prête pas suffisamment attention – mener à différents niveaux de conflits, du plus anodin au plus grave.
Cette illusion va se manifester dans mes échanges avec autrui, qu’elle va recouvrir pendant longtemps d’un voile plus ou moins épais – en tous cas tant que je n’en ai pas pris conscience. Elle va notamment nuire à une capacité pourtant fondamentale dès lors que je veux construire des relations de coopérations avec autrui : ma capacité d’écoute.
En effet, dès que ce que me dit l’Autre va toucher à une dimension dérangeante pour moi (que nous appellerons point de fusion ou point de verrouillage), ou tout simplement s’il ne se conforme pas à mon désir, je vais inconsciemment perturber la communication, de manière à rester dans mon monde, connu et rassurant. Autrement dit, mettre en place, subtilement, différentes formes d’évitement de l’Autre. Je vais par exemple, en toute bonne foi, poser des questions (réduisant ainsi le champ de l’expression de l’Autre), reformuler à ma manière, voire tout simplement ne pas entendre ou comprendre de travers… devenir sourd, sans m’en rendre compte.
Ecouter vraiment : une compétence rare et (trop) peu travaillée
Ces phénomènes d’évitement d’une réalité qui dérange peuvent être relativement faciles à repérer par quelqu’un qui observe deux personnes qui tentent de dialoguer. Ils sont aussi plus facilement perceptibles par celui qui ne se sent pas écouté : qui n’a jamais eu à faire à un Autre par lequel il tente péniblement de se faire entendre, et vu tous ses efforts déjoués avec une incroyable habilité ? « Tu ne m’écoutes pas » est un reproche que chacun d’entre nous a pu faire – et fera encore – à autrui. Ils sont en revanche beaucoup moins repérables par celui qui n’écoute pas, sauf s’il s’y emploie activement, par un fin travail d’observation de lui-même et d’entraînement. Ceci demande en premier lieu d’avoir l’humilité d’imaginer que, peut-être, je n’écoute pas les autres aussi bien que je le pense.
Il est en effet plus facile de voir la paille dans l’oeil de son prochain que la poutre dans le sien… Pour autant, si je ne peux pas agir directement sur la capacité d’écoute de l’Autre, je peux en revanche élargir la mienne, et c’est même en fait le seul moyen réellement efficient dont je dispose.
C’est ce qui est proposé dans notre parcours de formation Méthode Chamming’s, à travers plusieurs phases de training filmées, puis debriefées avec respect et délicatesse, afin de s’approcher au plus près de ce que chacun est en mesure de découvrir de lui-même. Différents outils sont également mis peu à peu en lumière afin d’accéder à une véritable écoute, et permettre de dépasser et transcender cette dualité fondamentale : pouvoir enfin considérer l’Autre comme radicalement différent de moi, et en même temps comme mon semblable, au sens de mon égal, mon frère.