La Méthode Chamming’s utilise l’image de l’iceberg, empruntée à Pierre Theilhard de Chardin, pour parler de la personne humaine. En haut, dans la tête, ce qui est visible ou conscient, le domaine de l’intelligible : la pensée claire, logique, cartésienne, qui « explique » le monde. En bas, invisible (au premier abord), confus, insaisissable, mais infiniment plus grand et puissant, le domaine du « sensible »: les sensations, les émotions, les sentiments, d’où émergent nos véritables besoins et où résident nos ressources énergétiques.
Le bas de l’iceberg est notre connaissance sensible, inconsciente, expérimentale, des choses. Il est cette part de nous-mêmes (que Jung appelle l’inconscient) d’où émerge notre conscience, et qui nous est paradoxalement inconnue. Nous savons, au fond de nous, sa présence, et nous pouvons sentir sa puissance. Ses manifestations viennent déranger sans cesse notre vision rationnelle et logique du monde, mais aussi l’enchanter et lui apporter de précieux enseignements. Le bas de l’iceberg recèle une autre forme d’intelligence à notre disposition, pour peu que nous sachions comment entrer en relation sage et habile avec lui.
Si je raisonne uniquement en logique rationnelle, selon le « haut de l’iceberg » (la tête), je classe simplement tout cela dans la catégorie « irrationnel », et je tente d’y apporter un éclairage logique – quand je ne me contente pas de purement l’ignorer. En faisant cela, je le cache, et il m’échappe, irrémédiablement. Mais je peux procéder autrement : l’accueillir, comme une source de connaissance et de sagesse en soi. C’est ainsi que procède la Méthode Chamming’s.
Utiliser un autre langage
L’intelligence du « bas de l’iceberg » est irréductible à la pensée logique binaire : conscient/inconscient, rationnel/irrationnel, raisonnable/fou, logique/illogique. Il s’agit d’entrer dans une autre dimension. Le « bas de l’iceberg » est une autre forme d’intelligence – celle du coeur pourrait-on dire, propre à elle-même, dont la connaissance et la fréquentation va avoir dans nos vies des impacts considérables. Pour parler de cette intelligence sensible autrement que par le prisme des concepts et des représentations empruntées à la connaissance intelligible (celle du haut de l’iceberg), il faut user d’un langage qui lui est propre : par exemple celui des images et des métaphores.
Le domaine du bas de l’iceberg est celui de nos rêves, de nos désirs profonds, de notre imaginaire, de notre intuition. Il est la source de toutes nos créations et de toutes nos découvertes. Insaisissable, mouvant, chatoyant, irréductible aux catégories, il se transforme et bouge sans cesse, disparaît dès qu’on croit le saisir, comme la Shakti des Hindous. Il n’obéit pas aux lois des Hommes, mais à celles, mystérieuses et déraisonnables, du cœur, si tant est qu’il obéisse à quoi que ce soit ! Car dans ce domaine, les choses ne sont pas blanches ou noires, l’absolu n’existe pas, il n’y a ni 100%, ni zéro : toute chose et son contraire co-existent. La loi est celle de l’ambivalence, c’est-à-dire de la complémentarité et de la conjonction des opposés : je peux ressentir simultanément la haine et l’amour, l’attirance et la répulsion, le désir et la peur, je peux à la fois vouloir et ne pas vouloir… Le jour et la nuit, la lumière et l’ombre, le chaud et le froid, la joie et la peine vont ensemble, l’un engendrant l’autre dans une dynamique cyclique et toujours recommencée.
Une autre forme d’intelligence : celle du lien et de la relation
L’intelligence du bas de l’iceberg, notre intelligence sensible, est notre guide intérieur, notre boussole profonde, qui nous oriente souvent à notre insu. Elle nous relie au cosmos, à la nature. C’est à elle que nous faisons appel dans les moments les plus délicats de notre vie, car alors l’autre intelligence, celle de la logique, est inopérante. Elle nous guide inlassablement vers la lumière, car elle sait que c’est au point le plus obscur de la nuit que commence le jour nouveau.
Elle s’exprime par images, par symboles, à travers les mythes, les légendes, les métaphores les plus anciennes du monde. Elle emprunte différentes voies pour se faire connaître de nous : par nos rêves, par les manifestations de notre corps, par nos actes manqués… Aborder cet aspect paradoxal de nous-mêmes, ou tout au moins connaître son existence et sa puissance, est indispensable à qui veut comprendre les phénomènes humains : c’est là que réside notre puissance, c’est là la source de notre intelligence émotionnelle et relationnelle.
Nous lui laissons une large place dans nos stages, permettant à chacun, à sa façon, de s’ouvrir à elle. Nous expérimentons de pouvoir la relier à notre pensée intelligible, celle qui distingue, discrimine, organise, et dont nous avons tout autant besoin.