S’il est un terme rare dans le vocabulaire du management, c’est celui de vulnérabilité. Tout « bon » manager doit donner une image de maîtrise de lui-même et des situations qu’il a à « gérer ». La vulnérabilité est pourtant au cœur des relations humaines, et c’est par elle que nous pouvons entrer en relation plus sage, plus respectueuse et plus habile avec les autres.

« Se connaître pour savoir être », titre du stage phare de la Méthode Chamming’s, quelle formulation étrange ! Que cela peut-il bien signifier au juste, et plus particulièrement dans le domaine professionnel ? Lorsque nous exerçons des fonctions managériales, d’accompagnement ou de conseil, c’est souvent que nous sommes arrivés à un certain degré de compétences, de maturité professionnelle. Nous avons dû pour cela relever un certain nombre de défis, franchir pas mal d’obstacles. Nous pouvons – légitimement – estimer que nous nous connaissons déjà fort bien. Par ailleurs, le lien entre la connaissance de soi et le savoir-être n’est pas si évident.

Ce que nos écoles ne nous ont pas appris

Nous pouvons être devenus de bons professionnels, exercer des responsabilités. Pour autant, dans nos écoles occidentales, les enseignements que nous avons reçus ont omis de nous apprendre une chose fondamentale : apprendre à ressentir. A repérer ce que nous sentons et ressentons, à le nommer, à observer finement la manière dont cela nous agît, bien souvent à notre insu.  Nos écoles nous ont même souvent appris, tout au contraire, à ne plus ressentir, à nous couper de cette source d’informations précieuses que sont nos émotions, nos sensations et nos sentiments, pour consacrer notre énergie au personnage que nous présentons au monde – ce que Jung appelle notre Personna. Pour apprendre à vivre en société, souvent déjà dès l’école maternelle ou primaire, nous avons appris à nous couper de nos besoins, à faire taire, sinon réprimer tout ce qui, en nous, semble nous fragiliser. Nous nous sommes éloignés de nos désirs les plus forts, nos peurs, notre sensibilité – en un mot, notre vulnérabilité.

Très rares sont les lieux de travail où il est possible au professionnel, plus encore s’il a charge de fonctions d’autorité, de se montrer sensible, vulnérable. Dans leur immense majorité, les formations en management poursuivent dans le même esprit. Elles proposent des recettes bien balisées. On y apprend comment il faut se comporter, ce qu’il faut faire ou ne pas faire, pour être un bon manager, un bon responsable. Elles exposent des modèles de comportement et proposent à chacun de « trouver son style », comme on trouverait un costume qui nous plaît, qui nous va bien et dans lequel nous nous sentirions tout à fait à l’aise. Il s’agit toujours, finalement, de mieux habiller la Personna, le masque que nous portons, que nous présentons aux autres. Nous avons appris à le porter tellement en permanence que nous avons fini par l’oublier – ou pire par nous confondre nous-mêmes avec lui. Le maître mot pour exister, c’est la maîtrise : maîtrise de soi, de son image, des situations, des autres.

Le besoin puissant du retour à soi

Si ces formations sont très utiles dans une phase de construction de l’identité professionnelle, il vient un moment où remettre de l’énergie à cet endroit devient contre-productif. L’armure finit par nous rendre insensible, rigide. Sous les assauts répétés de l’existence, qui n’a que faire de nos masques, elle se fissure, l’image craque aux entournures. Parfois même, le risque d’effondrement menace, avec de grands dommages pour les personnes – phénomènes de surmenage, de dépression, de burn-out et autres risques psychosociaux. Nombre sont les managers qui finissent par ne plus vouloir participer à de telles formations, dont ils sortent au mieux avec un goût d’inachevé, au pire avec un sentiment d’imposture – le comble pour quelqu’un qui cherche à assoir sa posture justement !

 

Renforcer le masque, l’impression de maîtrise, est comme renforcer une armure : cela ne permet plus le déploiement de la personne, de ce qui fait sa singularité, son originalité profonde. Cela nous coupe, malheureusement, de notre part sensible, de notre part la plus délicate et fine, celle d’où provient la source de notre créativité, de notre joie de vivre, de notre intelligence du lien. Dans un environnement plein d’incertitudes, qui change constamment, nous avons besoin de quelque chose qui nous ancre plus profondément en nous-mêmes ; qui nous ouvre de nouvelles perspectives, qui nous aide à nous débarrasser des faux-semblants.

L’armure se fend de l’intérieur, et non de l’extérieur

Parvenu à un certain stade de développement, nous avons besoin de « fendre l’armure » pour y laisser entrer la lumière : pouvoir ressentir (re-sentir), renouer avec notre propre vulnérabilité. Reprendre contact avec notre propre profondeur, avec ce qui nous touche, nous émeut, nous fait vibrer à l’unisson de nos frères et sœurs humains. Seul l’accès à notre propre vulnérabilité peut nous ouvrir la porte de celle d’autrui et nous permettre, enfin, de les écouter vraiment, de prendre en compte leurs besoins propres, de ce qui fait leur différence. Il n’y a pas de véritable intelligence collective sans cet accès à notre part sensible, originale – ce qui suppose de la part de ceux qui la suscitent de pouvoir l’accueillir, la respecter, la protéger si besoin.

Le paradoxe est qu’en « fendant l’armure », contrairement à ce que nos images mentales nous racontent, nous n’allons pas être affaiblis. Tout au contraire, nous allons retrouver une énergie nouvelle, un enthousiasme, une liberté de mouvements. Nous allons pouvoir devenir plus créatifs, plus inventifs, plus ouverts. Toute cette énergie que nous consacrions à maintenir notre masque va pouvoir être réinvestie dans une nouvelle posture, plus souple et, finalement, mieux enracinée, plus solide.

Pouvoir réaliser suppose d’avoir le courage et la possibilité de contacter sa propre vulnérabilité. Cela n’est possible que dans des conditions spécifiques de sécurité et d’accompagnement, dans lesquelles va pouvoir se manifester l’ingrédient indispensable sans lequel une telle alchimie est impossible : la confiance. C’est exactement ce que propose l’Ecole Willy Chamming’s, par le soin qu’elle apporte à la constitution des groupes, à la formation des animateurs et à l’ensemble de sa pédagogie : un cadre sécure, dans lequel personne ne sera forcé à rien, mais où chacun sera invité, en douceur, à explorer ses failles, à découvrir ses forces. Il s’agit de respecter, profondément, chacun, de lui permettre d’aller à son rythme, jusqu’où il peut et veut aller, et pas plus loin.

Une seule exigence pour celui qui s’engage sur ce chemin, et veut en récolter les fruits : celle de l’authenticité.